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Incidence croissante des changements climatiques sur les couvertures de biens

Il n’est pas nécessaire de rappeler aux gestionnaires de risques la menace que représentent les changements climatiques pour leurs organisations. Les dernières manchettes sont assez explicites à ce propos. Alors que chaque semaine semble apporter son lot de tempêtes tropicales, de feux de forêt qui s’étendent, d’inondations et autres catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, les gestionnaires de risques doivent s’évertuer de traduire tous ces signaux en stratégies afin de réduire l’exposition de leurs organisations.

Ces efforts s’inscrivent généralement dans deux catégories :

  • Mise en œuvre d’un programme environnemental, social et de gouvernance (ESG) rigoureux et communication des progrès aux parties externes
  • Utilisation de la modélisation pour mieux comprendre l’exposition future aux changements climatiques

 

Respect des critères ESG de base

En 2005, Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations Unies, a présenté le concept des facteurs ESG comme un moyen de promouvoir l’investissement socialement responsable. Alors que les enjeux liés aux facteurs ESG ont pris de l’importance, de plus en plus d’entreprises font état de leurs progrès pour satisfaire les investisseurs. Toutefois, d’autres parties prenantes ont aussi des attentes plus élevées[1].

 

Une priorité absolue pour les entreprises

De nombreuses entreprises participent activement à des activités liées aux facteurs ESG, en font le suivi et en établissent des rapports. Les effets croissants des changements climatiques ont augmenté la pression sur les sociétés de la part des investisseurs, des employés et du grand public, pour qu’elles fassent partie de la solution. Un sondage récent a révélé que 91 % des dirigeants croient que leur entreprise doit assumer la gestion des facteurs ESG. Les facteurs ESG constituent également une priorité pour 86 % des employés et 83 % des consommateurs[2]. Alors que les facteurs ESG ne justifiaient auparavant qu’une brève mention lors des conférences des analystes, les chefs d’entreprise leur consacrent désormais jusqu’à un tiers de leur présentation.

Le cadre réglementaire oblige également les entreprises à établir des rapports sur les facteurs ESG. Si l’Europe est à l’avant-garde depuis un certain temps, des États américains comme la Californie, New York et le Vermont s’affairent activement à mettre en place un mandat réglementaire semblable en matière de divulgation. Le gouvernement canadien n’exige pas expressément la divulgation de renseignements sur les facteurs ESG, mais des entités comme le Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers de l’Ontario ont demandé aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières de le faire[3].

Comme en témoignent la planification, la surveillance et la production de rapports, chaque entreprise en est à un stade différent dans son parcours ESG. Certaines grandes entreprises adoptent une approche plus proactive, notamment en faisant des déclarations publiques au sujet de l’utilisation de l’énergie, de l’eau et d’autres ressources.

 

Le Groupe de travail recommande de rendre obligatoire la divulgation de l’information importante relative aux facteurs ESG, en particulier la divulgation liée aux changements climatiques, qui est conforme aux recommandations du GIFCC à l’intention des émetteurs par l’entremise des exigences de déclaration réglementaires de la CVMO.

 

Accès à l’assurance des biens

Cette surveillance des facteurs ESG a eu un effet d’entraînement : les entreprises, en particulier celles du secteur des combustibles fossiles, doivent de plus en plus respecter les critères ESG afin de maintenir l’accès au capital nécessaire pour soutenir la croissance et la couverture sur les marchés du transfert du risque. Dans le contexte commercial actuel, une partie de l’influence du souscripteur de première ligne, du chef de la direction ou du chef des finances a été éclipsée par la communauté des investisseurs, qui s’attend à ce que les entreprises prennent les devants en matière d’enjeux environnementaux.

Le secteur du pétrole et du gaz fait l’objet d’une surveillance depuis un certain temps, et sa réponse peut servir de point de référence pour les entreprises d’autres secteurs. Certains projets et activités, comme l’exploitation des sables bitumineux canadiens ou de centrales au charbon, ont perdu la faveur des investisseurs et ont donc nui à la capacité des entreprises de conserver une couverture des biens dans ces régions[4].

Les changements climatiques et la contribution d’une entreprise à ceux-ci peuvent également avoir une incidence directe sur la disponibilité et la tarification de l’assurance des biens. Par exemple, plusieurs grands réassureurs européens ont réduit la couverture du secteur de l’énergie en raison des pressions des investisseurs institutionnels[5].

Les réponses des assureurs varient selon les régions. Les assureurs européens demandent généralement plus de précisions sur les programmes ESG et le rendement d’une entreprise. Par ailleurs, en règle générale, les assureurs nord-américains veulent qu’une entreprise garantisse qu’elle a déployé des efforts liés aux facteurs ESG ou qu’elle a mis en place un plan environnemental, bien que certains assureurs veuillent passer en revue le plan d’une entreprise et fonder leur décision de renouvellement sur celui-ci.

 

Comme en témoignent la planification, la surveillance et la production de rapports, chaque entreprise en est à un stade différent dans son parcours ESG.
L’étendue, la complexité et la variabilité des risques climatiques ont amené de nombreuses entreprises à adopter de nouvelles approches en matière de modélisation.
Alors que les entreprises mettent aupoint des plans pour atténuer les risques liés aux changements climatiques, elles choisissent des outils en fonction de leurs stratégies d’affaires et de leurs horizons de placement. De nombreux modèles de risque climatique examinent des horizons de tempsallant de dizaines d’années à des centaines d’années, produisant un éventail de résultats plutôt que des prévisions exactes.
Afin de comprendre l’incidence des décisions sur l’exposition aux changements climatiques et l’assurance des biens, de nombreusesentreprises incluent des gestionnaires de risques dans la discussion.

 

Empreinte climatique et atténuation des risques

Au-delà des programmes ESG, les entreprises réévaluent également leur exposition aux changements climatiques et cherchent des moyens d’atténuer leurs niveaux de risque dans le cadre de leurs activités.

 

Mise en œuvre de la modélisation

L’étendue, la complexité et la variabilité des risques climatiques ont amené de nombreuses entreprises à adopter de nouvelles approches en matière de modélisation. Traditionnellement, les modèles de gestion des risques de catastrophe rétrogrades étaient principalement axés sur des événements tels que les tremblements de terre et les tempêtes de vent. En revanche, les modèles climatiques sont tournés vers l’avenir et soutiennent l’élaboration de scénarios qui peuvent évaluer avec plus d’exactitude la contribution des différents facteurs aux risques liés aux changements climatiques. Les entreprises ont déployé des efforts pour élargir les modèles afin d’inclure les risques secondaires, comme les inondations causées par de gros orages de convection ou les feux de forêt. Cette gamme de risques étendue constitue le principal facteur des coûts du transfert du risque d’une entreprise.

Alors que les entreprises mettent au point des plans pour atténuer les risques liés aux changements climatiques, elles choisissent des outils en fonction de leurs stratégies d’affaires et de leurs horizons de placement. De nombreux modèles de risque climatique examinent des horizons de temps allant de dizaines d’années à des centaines d’années, produisant un éventail de résultats plutôt que des prévisions exactes.

Chaque entreprise a son propre profil de risque comparativement à ses pairs du sous-secteur. Certaines entreprises technologiques ont vu leur empreinte mondiale croître de 20 % par année, ce qui a augmenté leur profil de risque lié aux changements climatiques. Au cours des cinq dernières années environ, la communauté de la gestion des risques a cherché à évaluer plus précisément ses risques, ce qui exige une énorme quantité de données et d’analyses.

 

Invitation des gestionnaires de risques à la table

Afin de comprendre l’incidence des décisions sur l’exposition aux changements climatiques et l’assurance des biens, de nombreuses entreprises incluent des gestionnaires de risques dans la discussion. En ce qui concerne les facteurs ESG, aucune définition commune n’a encore été établie, ce qui rend les déclarations un peu plus difficiles. Un certain nombre d’organisations proposent des cotes ESG, mais les secteurs n’ont pas encore atteint de consensus sur une norme. Les entreprises peuvent s’adresser à des concurrents ou à des secteurs plus matures pour obtenir des points de référence.

Du point de vue de l’atténuation, les gestionnaires de risques ont un rôle important à jouer. Par exemple, les services immobiliers pourraient vouloir utiliser du bois d’œuvre stratifié plus écologique dans les nouvelles constructions, tandis que les assureurs pourraient choisir de ne pas offrir de couverture des biens pour les immeubles qui contiennent ces matériaux. De tels compromis doivent être examinés tôt dans le processus.

Les gestionnaires de risques participent également aux décisions, comme la sélection des sites, en veillant à ce que les installations se trouvent dans des emplacements présentant des risques climatiques globalement moins élevés. Grâce à leur participation, le processus peut intégrer des scénarios qui tiennent compte des 50 prochaines années, ainsi que des considérations telles que l’emplacement de nouvelles installations et la question de savoir si les installations touchées par les inondations ou d’autres catastrophes naturelles doivent être reconstruites aux mêmes emplacements.


[1] « The Remarkable Rise of ESG », Forbes (en anglais)

[2] « Beyond compliance: Consumers and employees want business to do more on ESG », PwC (en anglais)

[3] « Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers : Rapport final Janvier 2021 », ministère des Finances de l’Ontario

[4] « Coal, oil sands companies feel growing insurance squeeze », E&E News (en anglais)

[5] « ESG and the Future of Energy », Insurance Journal (en anglais)