Cinq effets des changements climatiques sur le secteur des placements
Quand a été publié le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC), qui traitait des effets catastrophiques des changements climatiques[1], c’est un peu comme si la foudre était tombée. Alors que les phénomènes météorologiques violents se multiplient partout dans le monde, les investisseurs et les entreprises n’ont désormais d’autre choix que de faire face à la réalité des changements climatiques.
Si les perturbations commerciales qu’entraînent les phénomènes météorologiques extrêmes ne sont pas une nouveauté, le rythme accéléré auquel elles se produisent a remis à l’avant-scène la planification des entreprises face aux futurs changements climatiques.
La façon dont les entreprises composeront avec cette réalité au cours de la prochaine décennie pourrait déterminer leur viabilité à long terme. Toutefois, à court terme, leur préparation de base immédiate pourrait avoir une incidence immédiate et positive sur les investisseurs et les autres intervenants.
Même si de sérieux avertissements concernant les changements climatiques sont émis depuis plus de 30 ans[2], de nombreuses entreprises résistent à l’idée de devoir réagir. D’autres en ont reconnu le besoin, tout en faisant le strict minimum (et encore!) pour contrer la menace. Cependant, les pressions des gouvernements, des investisseurs, des employés et des consommateurs se multiplient; de plus, les changements climatiques et les effets très réels des phénomènes météorologiques qu’ils entraînent font grimper les coûts.
Comment peuvent évoluer les entreprises vers un futur qui, même s’il reste incertain, se concrétise de plus en plus? Voici cinq des effets des changements climatiques sur le secteur des placements.
Tout d’abord, il faut faire une évaluation réelle des risques. Il est essentiel d’examiner l’ensemble des répercussions d’une entreprise sur le climat. Il ne s’agit plus seulement des sociétés du secteur de l’énergie et des usines polluantes. Des critères comme la consommation d’eau et les gestes posés pour la biodiversité font aussi l’objet d’un examen minutieux. Il convient également de tenir compte du secteur dans lequel une entreprise évolue. Si toutes les entreprises seront touchées par les changements climatiques, certaines se trouveront plus que d’autres dans la mire des organismes de réglementation qui cherchent à calmer les inquiétudes liées aux changements climatiques. Les efforts déployés dans le passé pour reconnaître la crise ne constituent pas une garantie, mais les entreprises plus avancées dans le processus pourraient réussir à s’adapter rapidement aux nouvelles menaces. De même, l’accélération des menaces signifie que les anciennes techniques de modélisation sont peut-être insuffisantes. Les entreprises doivent s’assurer que leurs modèles climatiques sont à jour, y compris les scénarios de risques climatiques à long terme et les modèles de catastrophe plus imminente.
La communication d’information, ce n’est qu’un début. S’il est important de communiquer l’information, on ne peut toutefois pas s’arrêter là. De plus en plus d’entreprises adoptent les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) à des fins de durabilité, et saisissent ainsi les occasions que crée cette communication de l’information. Tout d’abord, les entreprises peuvent ainsi exposer clairement leur stratégie générale en matière de changements climatiques aux investisseurs et aux autres intéressés. En outre, en étant parmi les premières à adopter ce type de communication de l’information, ces entreprises gagnent un avantage concurrentiel, puisque leurs concurrents font davantage figure de suiveurs que de leaders. C’est aussi une bonne façon de devancer les organismes de réglementation et de renforcer la réputation de leader de l’entreprise. Toutefois, communiquer des plans ne signifie pas grand-chose si ces derniers ne sont pas réalistes ou réalisables. Cet aspect peut être difficile, puisque certaines technologies sur lesquelles s’appuient les entreprises en ont encore à leurs balbutiements ou, dans certains cas, n’ont pas encore été commercialisées.
Il ne faut pas se contenter de cocher des cases. Le développement durable réel doit s’ancrer profondément dans l’organisation. Les entreprises qui s’efforcent réellement de planifier le développement durable seront récompensées lorsque des plans environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) solides seront attendus de tous. Le travail lié aux facteurs ESG d’une entreprise peut être un indicateur clé de son engagement envers un avenir durable. À l’inverse, des plans peu ambitieux assortis d’objectifs vagues, peu détaillés et d’une efficacité douteuse ouvrent la porte à une accusation d’écoblanchiment, terme qui désigne les entreprises qui cherchent à obtenir du crédit pour leurs réalisations en matière de développement durable[3] sans ressentir le besoin de faire quoi que ce soit pour le mériter. L’écoblanchiment[4] peut simplement consister à imprimer des scènes de la nature sur une étiquette de produit afin de donner une impression d’écoresponsabilité, ou être beaucoup plus élaboré, comme le fait de tromper les organismes de réglementation, tout en soulignant le peu d’émissions liées à un produit. Quoi qu’il en soit, les entreprises montrées du doigt pour écoblanchiment font face à des obstacles dans leur planification ESG continue, car elles doivent avant tout rétablir leur crédibilité. Il faut doter les plans d’objectifs mesurables qui permettront d’accomplir quelque chose de significatif.
Saisir les occasions. Comme l’a souligné un expert, les entreprises qui ont prospéré pendant la ruée vers l’or étaient celles qui vendaient les seaux et les pelles, et non celles qui recherchaient l’or. Les entreprises qui utilisent des technologies nouvelles ou émergentes pour réduire leur empreinte carbone (plutôt que de se concentrer uniquement sur la réduction des émissions existantes) auront du succès, mais ce sont celles qui participent activement au développement de ces nouvelles technologies qui en récolteront le plus de fruits.
Instaurer une culture de durabilité. C’est grâce à une véritable culture de durabilité que les investisseurs et les entreprises réussiront à atteindre l’objectif d’atténuation des changements climatiques tout en maintenant leur rentabilité. La « prime verte » deviendra un vestige du passé si les entreprises investissent non pas dans des expédients offrant peu d’espoir de changer les choses, mais plutôt dans des stratégies à long terme qui permettront d’instaurer en permanence une culture de durabilité.
Alors que le climat continue de changer, les investisseurs et les entreprises qui se disent engagés envers le développement durable vont devoir collaborer les uns avec les autres. Ainsi, des instruments de placement sont créés pour répondre aux besoins des investisseurs et des entreprises qui souhaitent adopter la durabilité comme valeur.
Le fonds mondial pour l’atténuation des effets d’Aon (Aon Global Impact Fund), par exemple, a été créé afin d’encourager des changements positifs, notamment dans l’environnement. Toutefois, au-delà de bonnes relations publiques, ces instruments de placement sont un bon moyen de déterminer quelles entreprises prennent au sérieux leur engagement envers l’environnement sur le plan des facteurs ESG.
[1] Sixième rapport d’évaluation (ipcc.ch) (rapport en anglais)
[2] L’atmosphère en évolution : Implications pour la sécurité du globe
[3] How Big Oil Misled The Public Into Believing Plastic Would Be Recycled (article en anglais)
[4] Are you concerned about greenwashing? (article en anglais)